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1885
Mai
L’Exposition d’Anvers, 1er mai. — « Je viens de parcourir toute l’exposition. Rien n’est encore prêt, on circule à travers des caisses de toute sorte. L ’exposition, cependant, promet d’être fort belle. L ’aspect général est grandiose. La galerie des machines, entourée d'un balcon circulaire, aura un vif succès. On procédera demain à l’inauguration officielle : la cérémonie sera présidée par le roi Léopold, qui est attendu cette après-midi. Anvers sera pavoisé pour la circonstance. La foule des visiteurs est déjà très grande. Ce soir exécution solennelle d’une cantate de Pierre Benoit par 1,226 exécutants.
Wagon en feu. Anvers, 1er mai. —Un wagon attaché au train express et contenant la décoration de la façade monumentale de la section française a pris feu à Bohain. Une grande partie de la décoration a été détruite.
L’Exposition d’Anvers, 2 mai. — Anvers s’est réveillé ce matin avec la pluie ; l’affluence n’en est pas moins grande et toutes les maisons sont pavoisées. A l’exposition, on a travaillé pendant la nuit. Ce matin, la transformation est complète ; les caisses sont enlevées et l’ordre règne partout. La section française sera certainement la plus belle. Le roi et la reine doivent arriver à une heure et demie. ils seront reçus dans le salon des manufactures de l’Etat français par le consul, M. Broghers. Deux vases de Sèvres seront offerts à la reine. Un banquet suivra la visite royale. A dix heures, le roi et la reine retourneront à Bruxelles.
AVIS. — MME SIMON, maîtr. s. fem. de 1ere cl. de France, Belgique, traite sans repos ni régime, les maladies des femmes, 20 ans de pratique, affections spéciales. — Pension, consult, secr., boulev. Waterloo. 101, Bruxelles. Traitem. par corresp.
Trois personnes brûIées vives. — Un terrible incendie a complètement détruit, l’avant-dernière nuit, un grand magasin de drogueries, situé chaussée de Tervueren, à Bruxelles. Trois personnes, une vieille femme et deux jeunes enfants ont péri dans les flammes.
Enterré tout vif. — Un crime épouvantable vient d'être découvert dans les environs de Gand. Une servante de ferme, la nommée Sophia Van Hoë, née à Bostbeke et en dernier lieu demeurant à la chaussée de Courtrai a enterré tout vif son enfant. Ce monstre femelle a profité du sommeil de la petite créature pour la plonger dans un trou et la recouvrir de terre. Le fait s’est passé entre Saint-Denis et Deurle. Cette misérable a été arrêtée.
L ’Exposition d’Anvers. — Notre ami et correspondant, M. Emile Lefebvre, nous promet sur l’Exposition d’Anvers, une série d’intéressantes lettres dont voici la première :
Anvers, le 10 mai 1885.
L’Exposition. universelle d’Anvers, parait enfin devoir réussir parfaitement. L'immense halle s’emplit chaque jour'et l’on ne peut se figurer tout ce que le commerce et l'industrie, y entassent avec un déploiement de luxe remarquable.
Notre chère France occupe environ le cinquième du tout ; son exposition semble devoir être fort brillante. La Belgique donnera une haute idée de ses progrès. L'Italie accuse des goûts plus portés vers le luxe. L’Autriche arriva avec de fors jolies choses et des étoffes remarquables de goût. La Hollande tiendra un bon rang sous le rapport des industries qui lui sont propres. Le grand-duché de Luxembourg fait des efforts inouïs pour attirer l’attention sur lui ; il y arrive aussi bien que le Canada et certaines autres colonies.
L’Allemagne n'a pas donné beaucoup, mais nous remarquons des produits que nous signaIons à nos concitoyens ; ils dérivent de la chimie et l’on ne doit pas perdre de vue les progrès des Allemands sous ce rapport. LAngleterre et la Russie sont à Anvers aussi. Enfin nous avons devant nous, un petit monde.
Tout ce que nous voyons, dit les efforts des exposants désireux de se mesurer à des concurrents sérieux. C’est à ce point de vue que je veux parler de l'Exposition d’Anvers. Je passerai en revue, aussi bien les différents pays que les différentes industries rivales, qu'il s’agisse de produits naturels, de produits fabriqués ou de machines.
Je dirai aussi un mot de l'Exposition des Beaux-Arts, riche des œuvres les plus remarquables de l' Ecole Belge. Beaucoup de bruit s’est fait autour du jury spècial à ce concours ; les mécontents et les refusés organisent une exposition à part. Je vous ferai connaître le résultat de cette protestation .
Ma prochaine lettre vous donnera une description rapide de l’Exposition. L’ensemble laisse encore à désirer comme installation ; une visite a Anvers, en ce moment, ne donnerait au voyageur qu’une idée imparfaite du tout. L’admirable charpente en fer de l’entrée monumentale est terminée: c’est un véritable chef-d'œuvre. On va la garnir de cascades, de décors, d’un ascenseur, etc. Les deux phares électriques ne fonctionnent pas encore. Le ballon captif s’élève à 400 métres, mais les voyages n'ont pas commencé.
Le jardin sera bien, les installations nouvelles l'ont amoindri. On y trouve le Palais des Colonies françaises, pour lequel on dépense 80,000 fr. Ce sera un des élans de l' Exposition, avec le mur des quais de l'Escaut, immense bloc construit par l'ingénieur de la Compagnie Couvreux et Hersent. Je vous en parlerai tout spécialement, car il permet de descendre sous l’eau à une profondeur de dix métres, avec les travailleurs du fond du fleuve.
Nous publierons demain la liste des expoitants ardennais.L ’Exposition d’Anvers. — EXPOSANTS ARDENNAIS. — Groupe 1, classe 5, numéro d’ordre 139. Gilbert et C°, à Givet, fabrique de crayons de toutes espèces. — Groupe 2, classe 10, numéro d’ordre, 260, Wuillemet, Charles, à Guignuicourt-sur-Vence, fabrique de niveaux de précision marquant les degrés de l’angle et de pente, br. S. G. D G, — Groupe 2, classe 22, numéro d’ordre 411, E. Boucher et Cie, à Fumay, fonte de fer, fonte de cuivre, tôlerie, émaillerie.
Groupe 2, classe 22, numéro d’ordre 414, A. David, à Charlevilil, fabricant de forges portatives, soufflets et outils de forge, — Groupe 2, classe 22, numéro d’ordre 426, et groupe 4, classe 39, numéro d’ordre 821, Société anonyme des forges et clouteries réunies de Mohon et Laval-Dieu, à Chàrleville, tôles, fers marchands, buanderies, poteries, clous mécaniques, etc.
Groupe 2, classe 24, numéro d’ordre 448, Adam-Blaise frères, Lucien Adam, successeur, à Charleville, brosses et pinceaux. — Groupe 3, classe 28, numéro d'ordre 525, Bouteillé et A, Mousset, à Sedan, draps unis et façonnés. peignés et cardés.
Groupe 3, classe 28, numéro d'ordre 536, Ch. Antoine, à Sedan, draperies et nouveautés. — Groupe 3, classe 28, numéro d’ordre 540, L.Guillaume, à Haraucourt, filature de laine cardée — Groupe 3, classe 23, numéro d’ordre 541, Girès (Thierry), à Pourru-St-Remy, draps pour chemin de fer, voitures, draps militaires, etc. — Groupe 3, classe 28, numéro d’ordre 546, Montagnac (E. de M.) et flls, à Sedan, draps. — Groupe 3 classe 28, numéro d’ordre 547. Rousseau, Jules, à Sedan, draps et nouveautés.
Groupe 3, classe 28, numéro d’ordre 548, Robert (Auguste) et fils, de Sedan, draps fins. — Groupe 4, classe 38, numéro d’ordre 823, Soret et Leblond, à La Cachette, forges, enclumes, outils, etc. — Groupe 5, classe 46, numéro d’ordre 1,024, Martinot frères, à Sedan, une presse à houblons.
Groupe 5, classe 47l, numéro d’ordre 1,036, Blaise, A., à Signy-le-Petit, four pour la revivification du noir animal. — Groupe 5, classe 50, numéro d'ordre 1,119, Alexandre, J.-B., à Haraucourt, machine à mortaiser le bois. — Groupe 5, classe 57, numéro d’ordre 1,194, Maré Joseph) et Gérard frères, à Bogny Braux, boulons, écrous, etc. — Groupe 5, classe 57, numéro d'ordre 1,195, Laurent-CoIas, à Bogny-sur-Meuse, ferronnerie pour voitures.
Groupe 5, classe 61, numéro d’ordre 1,215, Alexandre, à Haraucourt, menuiserie mécanique.— Groupe 5, classe 61, numéro d'ordre 1,216, Ardoisière de Boischevaux, à Fumay. ardoises, dalles, carreaux. — Groupe 5, classe 61, numéro d’ordee 1,235, Compagnie anonyme, à Rimogne, ardoises.
Groupe 5, Foucault, Léon, à Charleville, porte-tubes épurateurs, brevetés. S. G. D. G. — Groupe 5, classe 61, numéro d’ordre 1,240, David fils, à Laval-Dieu, ardoises, spécialité d’urinoirs. — Groupe 5, classe 61, numéro d’ordre 1,277, L’Espérance. à Haybes, ardoises. — Groupe 5, classe 61, numéro d’ordre 1,278, La Renaissance, à Haybes, ardoises. — Groupe 5, classe 61, numéro 1,279. Ardoisières réunies, à Fumay, ardoises - Groupe 5, classe 61, numéro d’ordre 1,280. Truffy et Pierka, à Rimogne, ardoises. — Groupe 9, classe 81, numéro d’ordre 1,791, David, à Charleville, outils divers.
Le catalogue officiel comprend, pour la section française, l,847 exposants, plus pour la section algérienne, 343 exposants.L’Exposition d’Anvers II . [20 mai] — Depuis un an, il est impossible de se figurer le nombre des maisons, des cafés, des restaurants et des music-halls, sortis de terre à Anvers. C’est presque de la génération spontanée. Les tramways se sont multipliés ainsi que le nombre des voitures, et la ville a réellement l’air d’une grande et populeuse cité. On a ouvert des hôtels nouveaux ; deux sont remarquables, l'Hôtel Populaire (ancien lycée), qui compte 500 chambres à un franc par jour et le Grand-Hôtel, avec 400 chambres, dont le confort ne laisse rien à désirer. C’est là que se donnent les banquets choisis et l’on sait ce que cela coûte. Ce n’est pas que la vie soit chère ici, quand on sait borner ses désirs.
Les boulevards commencent à être magnifiques avec leurs arbres nouvellement fouillés. Des drapeaux, des oriflammes partout.
La façade de l’Exposition ne sera pas terminée avant un mois; elle sera splendide.
Le jardin qui s’étend sur le devant de l’immense construction, est très bien dessiné ; les luxembourgeois y ont planté de magnifiques collections de rosiers et le grand constructeur bruxellois, Blaton-Aubert, bâtit une énorme vasque de ciment, autour de laquelle on a placé des lions, des statues et des fleurs à profusion.
Dans le jardin, des pavillons, des chalets, des restaurants, une vacherie et un poste de police où, le premier jour, on a déposé neuf individus, qui prenaient la poche du voisin pour la leur.
La superficie couverte par l’Exposition est de cent mille mètres. Deux grands quadrilatères comprenant : le premier, tous les produits industriels et commerciaux ; le second, toutes les machines en mouvement. D'une exposition on passe à l’autre, au moyen d’un immense escalier au-dessus duquel est une rue. La surface supérieure de l’escalier, est réservée pour les concerts. De là, par deux marches, on arrive à la galerie de 300 mètres qui domine toute la halle réservée aux machines.
Le coup d’œil est fantastique.
Immédiatement au-dessus de soi, on a l’installation complète de la Papeterie de Nayer. A gauche, on voit la pâte au papier, puis la mise en couleur de cette pâte qui se dépose bientôt par atômes sur des toiles sans fin, lesquelles amènent ce qui va devenir papier sous des cylindres énormes où la feuille se lamine et sèche peu à peu. A la sortie du dernier cylindre, le papier est coupé mécaniquement, satiné, découpé à emporte-pièce, plié en enveloppe, gommé, empaqueté et vendu.
Plus loin, au centre, c’est le mécanisme complet d’un bateau à vapeur, navire de guerre, construit par la Société Cockerill, de Seraing. A côté, deux moulins complets à farine, moulins montés suivant les progrès les plus récents.
Les constructeurs de Verviers exposent des cardes, des métiers à filer, à tisser, à tondre, etc., une énorme machine sécheuse.
De petites locomotives pour les mines et des wagonnets, parfaitement appropriés à ce travail spécial.
On verra à Anvers, les machines à vapeur les plus perfectionnées et une foule de choses sur lesquelles je reviendrai, quand tout sera installé.
Des verriers de Venise exercent leur industrie curieuse en un local spécial. D'autres industriels agissent de même, depuis les galvanoplastes jusqu'aux plus puissants effets des machines. Je crois que tout cela ne sera pas complet avant la fin de mai.
La grande exposition a environ 150 m. de profondeur. De l’entrée principale à la galerie des machines la large voie est formée de la galerie belge et de la galerie française. Elles sont partagées par une immense nef que l’on nomme route de Belgique, de France, d’Italie, d’Autriche, suivant que l’on traverse les sections appartenant à ces pays. Au point d’intersection, la Société de Commerce d’Anvers, a élevé un immense trophée contenant tous les produits qui font l’objet du commerce anversois : laine, coton pèche, chanvre, caisses de lard, de tabac, de thé, de conserves, céréales renfermés dans des bouteilles portant des étiquettes explicatives. C’est d’un aspect peu gracieux, mais l’idée est originale et assez réussie.
Derrière, sur le devant de l’exposition française, la statue de Kléber, qui émerge au milieu de la splendide exposition de MM. Thiébaut, frères, de Paris; elle est, avec le salon des Manufactures Nationales françaises, (Gobelins, Beauvais et Sèvres), le chef-d’œuvre de tout ce qui est aujourd'hui visible à Anvers.
Jusqu’aujourd’hui, 11 mai, le chemin de fer a traversé la section française : on le couvre en ce moment. C'est tard, mais il est impossible de se figurer tout ce que les wagons ont apporté ici. C’est positivement incroyable.
Le service est fait par des marins français, gentils, complaisants, travailleurs, polis; ils font l’admiration de tout le monde. Ils se servent, avec une adresse infinie, du petit chemin de fer Decauville, un de nos concitoyens. Les étrangers nous l’envient.
Vous le croirez à peine, c’est la section belge qui est la moins avancée. Certaines installations sont à peine commencées. Les retardataires disent, pour excuse, qu'ils ont dû travailler pour les autres ! Il faut voir quel ennui c’est pour ceux qui les emploient. Le mieux est de n’en pas avoir besoin et de se servir soi même. Je ne sais que depuis huit à dix jours tout ce que l’on peut tirer d’un marteau, d’un ciseau et d’une scie.
Avec tout cela, la vie commence à prendre, à l’Exposition, une expression vraiment extraordinaire, tant tout ce qui s’y fait demande de l’activité.
La salle des fêtes où l’ouverture de l' Exposition a été faite par le roi, le 2 mai, se trouve, depuis hier, transformée en un immense jardin de fleurs. Il est impossible de rêver semblable spectacle. Des vagues de fleurs! Des corbeilles d’azalées admirables d’éclat et de proportions gigantesques. C’est un véritable éblouissement.
Je vous enverrai la liste des lauréats, pour la communiquer au besoin, aux Ardennais que ce concours intéresse. Les rhododendrons ne le cèdent en rien aux autres collections. C’est pour la première fois qu’en Belgique on voit semblable choix d’orchidées.Emprunt pour le Congo. — Berlin, 20 mai. D’après la Gazette de la Bourse, de Hambourg, le roi des Belges profiterait de son séjour à Berlin pour négocier, au nom de l’Association africaine, un emprunt pour le Congo.
Bruxelles et Victor Hugo. — Bruxelles, 27 mai. M. Janson, ancien député et chef de l’Extrême-Gauche, actuellement conseiller communal de la capitale, a écrit une lettre au bourgmestre de Bruxelles lui demandant de convoquer, à bref délai, le conseil communal, afin de voter une adresse de condoléance à la ville de Paris à l’occasion de la mort de Victor Hugo.
L’Exposition d’Anvers III. — Le premier salon prêt a été celui de MM . E. Boucher et C°, de Fumay, dont les produits se recommandent par leur perfection; je ne vois nulle part, dans la fonte moulée et émaillée, rien de plus remarquable.
La vitrine de Reims a vingt mètres. Les deux extrémités sont occupées, l’une par le peignage Jonathan Holden, propriétaire d’un brevet remarquable pour le peignage de la laine chardonneuse ; l’autre par les filatures admirables de MM . Marteau frères et Cie, de Reims. Ces deux expositions ne feront pas dire aux étrangers que la France est stationnaire; elles accusent de grands progrès mécaniques. M . J.-B. Nysser expose un produit absolument neuf le pilou ou velours de coton. Le reste de l’exposition rémoise contient les articles dont Reims a la spécialité : tartan, mérinos, flanelle blanche et de fantaisie, bolivard, etc. Je remarque un beau choix de mérinos mélangés de MM. Aimé Grandjean et Cie et des brochés Jacquart magnifiques, puis des velours ou ratinés, des fourrures et des peaux de mouton d’une légèreté et d’une blancheur qui charment tout le monde. Je dois encore citer le compartiment de la draperie où les articles dits classiques, les peignés et les nouveautés se montrent en belle et bonne qualité.
Cette exposition de Reims place cette ville à un rang élevé parmi tous les rivaux réunis Anvers. Quoi qu’on en dise, Reims est un centre industriel qui a toujours prospéré. Ce n’est pas, sans joie que je constate l’apparition d’étoffes et de draps à chaîne de coton. C’est au moyen de ces tissus que l’Angleterre nous rend l’exportation si difficile.
Pour en finir avec Reims, j'ajouterai que la teinture s'y maintient parfaitement, non seulement dans les pièces teintes, mais dans les impressions sur tissus.
Rouen a une immense exposition de cotonnades et de toiles. Depuis le simple mouchoir de poche jusqu'aux rideaux riches, tout est là. Ce tissu s'applique à tout ; j'ai remarqué l'apprêt des étoffes pour couvertures de livres et registres, on dirait du chagrin, du satin ou du cuir. Cela lutte directement contra l’Angleterre. Malheureusement nous sommes toujours tributaires de ce pays pour les machines.
Elbeuf est très bien représenté. Cette ville aura la palme d’honneur. Il n'y a là, pas plus qu’à Verviers, rien de neuf; mais le bon goût français, la fabrication consciencieuse, l’apprêt soigné, tout indique une industrie sûre d'elle et vieille d’expérience.
L ’exposition de Sedan n’est pas finie. Les compartiments prêts sont recouverts de toiles, en attendant le jour de l'inauguration de la Section française ; tout ce que je puis en dire, c’est qu’elle est abominablement mal placée. J’en parlerai plus tard. J’ai pu voir les articles parfaitement soignés de MM . E . de Montagnac et fils, dont la vieille réputation est dignement soutenue ici; aucun pays du monde n’entre en lutte avec ces apprêts remarquables. Je suis heureux de le dire à la gloire de nos chères Ardennes.
L’exposition de St-Pierre-les-CaIais réjouit notre cœur de Français. Les jolies choses ! Les admirables dentelles! Ces vitrines réellement pleines de goût expliquent l’accroissement considérable de cette ville manufacturière. Je puis lui prédire un des plus sérieux succès de l' Exposition. Qu’on le sache, à Sedan et ailleurs, c’est la perfection des machines qui a ainsi grandi St-Pierre.
A ce point de vue, qu’il me soit permis d’indiquer aux établissements ardennais les machines de Malmedie et Hibry, toutes pour fils de fer. Machines pour pointes de Paris à effet continu, machines à chevilles de souliers, presses pour têtes de vis, machines à chaînes Vaucanson, à goupilles, etc., etc.
Le Comptoir métallurgique de Longwy expose ses produits que les hommes spéciaux regardent beaucoup. On ne peut que désirer l’avenir de ce pays si riche de minerai et si rapproché des Ardennes. Treize grands établissements ont envoyé des échantillons de leur fonte.
La Société industrielle et commerciale des métaux a une splendide installation, pour laquelle, dit-on, cent mille francs ont été dépensés. Des tubes de cuivre sans soudure de dix mètres de longueur sur 0.50 de diamètre, des lingots d’une pureté remarquable, des barres plaines ou façonnées devant lesquelles on s’arrête curieusement. Tout ce que l’on peut imaginer, sous le rapport des diverses qualités et des transformations de ce métal, est là.
Vous connaissez l’immense et rapide réussite de ces établissements ; elle rentre dans la catégorie des légendes nationales.
Les Forges de la Providence exposant des plaques pour la marine, et des sommiers de quarante mètres sur 30 centimètres d’une seule chaude. C’est à peine croyable.
La métallurgie en général, nous semble en progrès ; cela s’explique par tous les services que le fer rend aujourd’hui.
J’ai admiré maintes fois le salon de la maison Christofle et Cie. Encore une de nos belles industries françaises. Un goût exquis préside à la création de ces objets luxueux. Il faut voir quel degré de perfection arrivent les incrustations et les émaux cloisonnés. Les petits grands surtouts de table, méritant leur réputation d'originalité et d’élégance, aussi bien que les services verre-d’eau remarquables par leurs émaux et leurs montures. Ces Messieurs ont fait, pour l'Exposition d’Anvers, deux grands vases martelés, vraiment artistiques. Aucune industrie rivale n’arrive à cette hauteur .
Dans de nombreuses autres branches industrielles, la France encore, tient le premier rang.MORT D' UN PATRIOTE BELGE . — M. Rogier, ministre d'Etat, un des promoteurs de la révolution qui amena l’indépendance de la Belgique, est mort hier. [28]
La Chambre était en séance lorsque cette nouvelle a été connue.
Le président l’a communiqué à la Chambre en faisant l’éloge du défunt, et rendant un premier hommage à sa mémoire, il a proposé de suspendre les débats ct d’envoyer une lettre de condoléance à la famille.
M. Bernaert, ministre des finances, s’est associé à l'hommage que venait de rendre le président de la Chambre au défunt.
M. Frère-Orban a dit qu’il avait été longtemps le collègue de l'illustre défunt, et associé à ses travaux dans bien des gouvernements.
Ses actes ont toujours été dictés par les meilleures intentions et le dévouement absolu au pays.
La séance a été levée en signe de deuil.
Les funérailles de l’illustre patriote auront lieu aux frais de l’Etat.
M. Rogier était né à Saint-Quentin en 1800, et était venu se fixer très jeune en Belgique.
Son frère a été longtemps ministre de Belgique à Paris.Juillet
L ’Exposition d’Anvers XI . — L ’exposition de sculpture et de peinture française est, de l avis de tous, absolument la plus remarquable. En dehors de ces tableaux et de ces statues, le ministère du commerce a exposé pour la première fois sous la dénomination d‘enseignement technique, les travaux de quelques écoles françaises ; c’est une tentative louable. L'Ecole de Châlons -sur-Marne a envoyé son cours de dessin formé de copies dues à une foule d’élèves. L ’album est parfaitement soigné ; il se distingue par une grande netteté et par l’ensemble des problèmes scientifiques et industriels résolus, car qui dit enseignement technique pense application scientifique pratique.
A ce point de vue, l'Ecole d'horlogerie de Cluses (Haute-Savoie), a des rayons du plus haut intérêt où sont rangés des mouvements et des pièces plus ou moins compliqués, le tout parfaitement soigné et d’une origine authentiquement constatée. J'aime voir la France entrer dans cette voie. C’est elle qui a créé l'enseignement professionnel, mais l’Allemagne s’est lancée corps perdu dans cette réforme merveilleuse et aujourd’hui elle nous devance. L’Angleterre construit partout de splendides écoles techniques.
L ’enseignement technique est celui qui est créé pour l'industrie qu’il est destiné à perfectionner ou à régénérer.
L’Ecole de Châlons n’a pas plus ce caractère que celle d’ Angers dont les modèles divers et variés exposés à Anvers s’appliquent aussi bien à la construction mécanique qu'au bâtiment. Je vois des machines outils, des machines à vapeur, des outils, etc., je ne découvre rien de technique spécialement parlant.
C’est aux centres industriels à créer ces écoles appelées à rendre à la France sa supériorité commerciale et industrielle sur tous les pays du monde.
A Sedan, la draperie ; à Charleville, la métallurgie ; à Rethel, la filature poignée; á Rimogne et à Fumay, l’ardoise, etc.
Je le répète, l'Allemagne est à l’œuvre, et l’Angleterre l'imite. Nous verrons bientôt, en d'autres pays, que le progrès n’y est pas stationnaire.
Près de l'exposition ci-dessus, MM. Soret et Leblond, de La Cachette (Nouzon), ont une installation par trop étriquée où je vois une foule de choses qui composent une exposition plus technique que celle du gouvernement. A ces instruments divers on devine à quelle industrie ils sont destinés. Je souhaite à cette maison un succès qu’elle me semble mériter par les soins apportés à sa fabrication.
A quelques pas de là, les pierres en blocs sciés et taillées de MM. Renard et Fèvre (226, rue Lafayette, Paris.) Ces pierres proviennent d’Ancy le Franc et de Chassigrielles (Yonne) et de Villars, Nuits et Verrey (Côte-d’Or). Elles reçoivent la taille la plus fine et le poli le plus délicat ; leur couleur est assez pâle, mais agréable, tranquille, s’adaptant aux colonnades de vestibules, aux lambris de corridors riches, aux fûts ou pieds de statues, etc. Les exposants en ont fait une espèce d’autel, un carrelage, des marches d’escalier, et je dois dire que le tout m’a semblé digne d’une mention spéciale.
Le défaut d’ordre qui règne dans l’Exposition en général où les commissariats spéciaux ont adopté les plans les plus fantaisistes, le défaut d’ordre rend les recherches bien difficiles. Les exposants ardennais devraient bien s’entendre pour distribuer une feuille indiquant d'une manière pratique l'emplacement de chacun. Je ne puis me flatter de les avoir tous découverts. J'attendrai encore pour en parler.
L'imprimerie nationale, de Paris, a étalé ici quelques ouvrages qui donnent une idée de son importance. Un petit album de typographie orientale, imprimé pour Anvers, contient 83 types différents; il me semble n'être qu’un résumé ou un diminutif de l’ouvrage intitulé : Spécimen des types divers de l'imprimerie nationale — 138 types étrangers. Je doute qu’il y ait au monde un établissement plus complet sous ce rapport Dans les vitrines, des ouvrages de toute beauté ; on y sent l’Art et le Progrès d’un art dont la France a le droit d’être fière.
Des bois de toute beauté, des minerais nombreux et divers, des marbres, du liège, des huiles, des graines, du tabac, des matières textiles, des produits industriels, des fruits, des conserves, du miel, des liqueurs, des sirops, des piments, des vins, rouges, blancs et mousseux, du, rhum, de l’eau-de-vie, etc. Le vin domine parmi les choses exposées.
L ’organisation de l’Exposition algérienne distribue des brochures destinées à faire mieux connaître la colonie qui devrait enrichir la France. J' ai entendu, en de nombreuses circonstances, faire l’éloge du gouverneur-général de l’Algérie, M. Louis Tirman, un enfant des Ardennes. La tâche qu’il a acceptée n’était pas facile. Espérons que la participation de l’Algérie à l’Exposition d’Anvers, y provoquera de nouveaux progrès Cela est déniable, car les échanges de pays à pays sont encore très restreints, si nous en jugeons par la difficulté où l’on se trouve à tout instant de trouver des navires allant du littoral algérien aux rives de la mer du Nord et même de la Manche.
Puisque le gouvernement s’occupe définitivement d'enseignement technique, qu’il l’applique vigoureusement à l’Algérie; il y fera naître l’industrie qui, ailleurs, transforme ses produits précieux. Le travail national en recevra une nouvelle impulsion.L ’Exposition d’Anvers. — lnauguration du quai. — Notre correspondant d’Anvers , nous écrit :
La journée d ’hier, 26 juillet , a été fort remplie. Dès le matin, de tous les points , arrivaient en ville de nombreuses musiques, accompagnées selon I' habitude, des amis, des parents, des enfants des exécutants.
De dix heures du matin à huit heures du soir, on a entendu :
1° Place Verte, dix Sociétés chorales ou instrumentales ;
2° Parc , dix Sociétés chorales ou instrumentales ;
3° Place Saint-Joan , dix Sociétés choristes ou instrumentales ;
4° Pépinière , dix Sociétés chorales ou instrumentales,
Le nombre des artistes (?) étant de quarante en moyenne par compagnie jugez du joli tapage produit par tout cela.
Les rues de la ville n ’ont jamais été plus animées ; l ’Exposition était pleine de monde à ne savoir s'y remuer. On parle de 26,000 entrées.
A dix heures du matin , Ies régates sur l’Escaut, organisées par la Société royale nautique anversoise.
A deux heures, je traverse l ’Escaut avec quelques amis, des photographes amateurs, mais très habiles, qui, au moyen d’appareils très perfectionnés, vont prendre chacun, en quelques minutes, 15 vues de la fête navale.
Vous savez ce qu'est la photographie instantanée. On compte le temps par dixièmes et vingtièmes de secondes. On a des appareils qui saisissent huit fois l'attitude d’un clown pendant qu’il fait le saut périlleux. On prend au galop un cheval de course. Au moyen du fusil-revolver l’oiseau est photographié quatre fois, pendant qu’il ouvre et ferme les ailes en volant.
Nous étions peu nombreux sur la rive gauche de l'Escaut. C’est ce que j’espèrais.
Tout à coup le canon se fait entendre. Le roi, la famille royale, les ministres, arrivent de Tamise sur le steamer Prince-Baudoin. Suivent 90 bateaux à vapeur de toutes tailles, avec leurs mâts fleuris de drapeaux multicolores. J’ai compté sur un seul 75 pavillons et flammes ; sur un autre, 100. Tout cela disposé fort agréablement. Le tout se mêle à la décoration des navires attachés au rivage et à la mâture joyeusement ornée des bateaux des bassins, dans le tond du paysage et aux drapeaux des maisons. La cathédrale porte un immense drapeau ; toutes les cloches sonnent, le carillon joue ; vingt musiques se font entendre.
Le fleuve est au maximum et sur sa surface immobile, se meuvent peut-être 200 bateaux.
Le soleil est resplendissant. La fléche de la cathédrale brille au loin.
La ville a fait construire une terrasse le long des quais. C'est une promenade qui restera. Un public choisi s'y trouve des deux côtés de la loge royale.
J ai eu la chance de ne pas entendre les discours.
Il est quatre heures. Le roi se rend près de la Forte de l' Escaut où l’on a établi une plateforme devant laquelle défilent les attelages des corporations (camionnage et main-d'œuvre du port). Les beaux chevaux ! L’admirable cortège! Les 85 camions sont chargés de marchandises diverses. C’est massif et interéssant. 500 chevaux attelés par deux, quatre, huit ou dix. Les patrons et les hommes accompagnent le tout. Le défilé dure une heure.
Le soir, l’Escaut est admirablement illuminé. Partout des Sociétés de musique. C’est un délire !
Heureusement Ies ètoiles et la lune brillent, l'on est rafraîchi, car la journée a été d’une chaleur torride.
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