• Avril

    Une affaire qui a montré tout ce dont est capable une femme italienne abandonnée à de violentes passions, a été jugée aux assises de la Haute-Savoie, au milieu d’une grande affluence de spectateurs et en présence de nombreuses dames d'Annecy. L’accusée Guelpa Olinda est née dans la province de Novare. Vêtue de noir et coiffée à l'italienne, ses traits sont fins et réguliers de grands yeux expressifs font ressortir la pâleur de son teint. Elle est  âgée de vingt-huit ans. Quoique femme d'un simple manouvrier, elle a reçu une certaine instruction ; des lettres d’elle qui sont au dossier annoncent qu'elle n'a pas une intelligence ordinaire. Son attitude est très convenable et elle essuie continuellement ses pleurs.
    Dominique Canova l'avait épousée dans le courant de l’année dernière. Peu de temps après son mariage il la quitta pour aller  travailler sur les chantiers du chemin de fer d'Annecy à Genève. Il rejoignit à Croisy ses deux neveux, les frères François et Pierre Bersano, forgerons.
    En novembre 1879, il fil venir en Savoie sa femme, restée en Italie. Il s’installa avec elle et ses deux neveux dans une chambre commune. Cette singulière cohabitation devait amener des conséquences terribles. Un soupçon s'empara bientôt de Dominique Canova...Il avait cru s’apercevoir que sa femme avait des relations intimes avec François Bersano, son neveu. Il eut de vives altercations avec elle. Puis, le 4 janvier dernier, il porta contre elle une plainte en adultère qu’il retira presque aussitôt.
    Suivant le conseil qui lui en avait été donné, il se sépara de ses neveux le 17 janvier, et il loua une chambre ailleurs ; mais sa femme refusa de le suivre et passa la nuit du 17 au 18 dans la chambre qu’elle n’avait pas voulu quitter. Canova en devint furieux ; il fit prévenir Guelpa Olinda qu’il avait à lui remettre une lettre de son père. Elle vint sans délai. Aussitôt une scène des plus violentes eut lieu. Le propriétaire de la maison, le sieur Fontaine, qui avait loué la chambre, inquiet des suites que pouvait avoir une discussion aussi bruyante, se décida à intervenir. En sa présence, Canova continua d’adresser les plus graves reproches à sa femme, mais sans la maltraiter. Les choses en seraient restées là, au moins pour le moment, si François Bersano n'était pas venu se mêler à cette scène. Dès qu’il parut, tout changea de tournure, et la colère devint plus ardente que jamais dans le cœur de Canova. Il tenait un couteau fermé dans la main; il l’ouvre. A cette démonstration, qui lui apprend le danger qu’il court, Bersano saisit le mari à bras le corps, et comme il sent que son oncle lui plonge le couteau dans le dos, il crie : « Enlevez-lui le couteau ! »
    Les deux hommes roulent à terre et luttent encore, mais tout à coup Canova reste immobile... il venait d’être tué, non pas par Bersano, qui n'avait pas d'arme, mais par sa femme, Guelpa Olinda. Elle avait pu arracher le couteau de la main de son mari et le lui enfoncer dans la tête, près de la tempe. Quand cette terrible lutte eut pris fin, Bersano suivit sa tante à l'auberge d'un nommé Philippe. Guelpa Olinda tenait encore à la main le couteau de son mari. La femme Canova et son neveu furent mis en arrestation. Guelpa Olinda avait à l’œil gauche une ecchymose très-marquée, provenant d'un coup que Bersano lui avait donné avant l'arrivée de Bersano. Celui-ci avait une blessure profonde dans la région dorsale, au-dessus de la dixième côte de gauche. Une ordonnance de non-Iieu fit mettre Bersano en liberté. 
    Devant le jury, l'accusée soutient qu'elle ne se souvient pas d'avoir porté des coups à son mari. Mais Fontaine l’a vue frapper Canova, et Bersano le déclare, de peur’d'être accusé lui-même. Les renseignements recueillis sur Olinda en Italie ne sont pas mauvais; mais elle a fait l'aveu de ses relations avec son neveu, François Bersano. Du reste, celui-ci les a avouées aussi en pleine audience, et malheureusement sur un ton trop cynique. Les débats ont eu lieu au moyen d'un interprète  car Olinda, qui comprend un peu le français, ne le parle pas.
    Olinda était accusée d’assassinat; mais le président a posé aux jurés la question de coups et blessures sans intention de donner la mort.
    Le jury a été affirmatif sur cette question, et il a de plus accordé des circonstances atténuantes.
    Guelpa Olinda a été condamnée à cinq années de réclusion. L’interprète lui transmet la condamnation, elle tombe aussitôt sans connaissance, et on l'emporte évanouie dans la prison.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique