• RÉCEPTION D'AMBASSADEURS : Le ministre des affaires étrangères,  mercredi 29 avril, à l’occasion de la réception diplomatique hebdomadaire, a reçu la visite de tous les ambassadeurs étrangers présents à Paris. Lord Lyons, ambassadeur d’Angleterre, M. de Hohenlohe, ambassadeur d’Allemagne, le baron Mohrenheim, ambassadeur do Russie, Essad Pacha, ambassadeur de Turquie, se sont successivement entretenus avec le ministre et chacun assez longuement.

    Mai

    L’emplacement de l'Exposition : C’est à tort qu'on a parlé du prétendu refus qu’opposerait le ministre de la guerre à la cession du Champ-de-Mars pour édifier les bâtiments de l'Exposition universelle ; mais il paraît exact que le Cabinet ajournera la demande de crédit de 50 millions pour la susdite exposition, la situation financière ne permettant pas à la suite du crédit de 200 millions pour le Tonkin de gréver d'une aussi forte somme le budget déjà si obéré.

    Courses de chiens. — On annonce, pour les 6 et 10 mai prochain, des courses fort originales, organisées au Champ de Mars par le CanisClub. On prépare en ce moment l’emplacement où seront données des courses de haies, d’obstacles, etc. Le great-attraction de ces journées sera le rallye coursing de lévriers et le vol d'autours et de faucons dressés en Angleterre.

    LE CRIME DE LA RUE CAMBRONNE. — Un nouveau crime a vivement ému le quartier de Grenelle ce matin. M. Chérou, logeur, rue de Cambronne, 71, était, vers six heures du matin, attiré hors de sa chambre par le bruit d’une vitre brisée.
    Dans l’allée il aperçut un individu sortant de la chambre n° 17 vêtu avec les vêtements du locataire de cette chambre, nommé Zigler, originaire du département de Meurthe-et-Moselle, âgé de vingt-deux ans et demeurant dans la maison depuis six mois. Intrigué par cette fuite le logeur suivit l’inconnu dans la rue.
    A ce moment, Mme Chérou, la logeuse, qui était entrée dans la chambre dont la porte était restée ouverte criait à l’assassin ! elle venait d’apercevoir le cadavre de Zigler la gorge coupée étendu au travers de son lit.
    On se mit à la poursuite de l’assassin qui ne put être rejoint que dans le marché de Grenelle.
    Arrêté par les gardiens de la paix qui furent obligés de dégainer pour lui faire lâcher son couteau qu’il avait conservé à la main et dont il menaçait de se servir encore, cet individu fut amené au commissariat de police de M. Luccioni, qui procéda immédiatement à l’interrogatoire de l’assassin et le fit fouiller.
    Cet individu qui, dans le quartier, possède la plus déplorable réputation et passe pour un souteneur, a déclaré se nommer Charles Lallemand, âgé de 18 ans, serrurier.
    Dans la poche des vêtements de la victime qu’il avait sur le corps, on a retrouvé la montre et le porte-monnaie de Zigler, contenant 11 fr.
    Le cadavre de la victime a été apporté à la Morgue à une heure,- pour y être soumis à l’autopsie et l’assassin écroué au Dépôt.
    Dans son interrogatoire, cet individu a déclaré avoir tué Zigler, parce qu’il lui avait enlevé sa maîtresse.

    Mort de joie. — Un individu qui n’a vraiment pas de chance dans son bonheur, c’est Breton, qui a gagné le lot de 500,000 fr. à la loterie des Arts décoratifs. Cette fortune inattendue lui a causé tant d’émotions qu'il en a fait une maladie dont il mourait trois jours après.

    COMMENT MEURT ÜN RÉPUBLICAlN. — Une polémique assez vive s’est élevée l’autre jour au sein du Conseil municipal de Paris, entre réactionnaires et républicains, au sujet des propositions de débaptiser un certain nombre des rues de Paris, faites par un conseiller municipal républicain.
    Les journaux réactionnaires, eux aussi, sont entrés en lutte et le nom de Denis Dussoubs a, surtout, exercé leur verve.
    Or savent-ils au juste ce que c’est que Denis Dussoubs ?
    En 1851, il y avait un représentant du peuple nommé Gaston Dussoubs. Au coup d’Etat, il était malade et cloué au lit, par un rhumatisme articulaire. Il avait un frère plus jeune que lui. Le 4 décembre, ce frère le vint voir. Gaston lui dit :
    — Je suis déshonoré. Il y aura, des barricades, et mon écharpe n’y sera pas !
    — Si! répondit Denis. Elle y sera.
    — Comment cela ?
    — Prète-là moi.
    Vers neuf heures et demie du soir, les soixante combattants de la barricade du Petit-Carreau virent arriver un homme qu’un d’eux reconnut.
    — Bonjour, Denis.
    — Ap[jelle-moi Gaston.
    On ne comprit pas d’abord. Mais on comprit quand, la troupe approchant, on vit Denis Dussoubs revêtir l'écharpe de son frère, gravir les pavés de la barricade, monter jusqu’au sommet, et s’y dresser debout.
    De là, tête nue, sans armes, à voix haute, il parla aux soldats. L' Histoire d'un Crime a recueilli les paroles
    — Avance à l’ordre! cria une voix.
    Alors on le vit descende lentement, pavé à pavé, de la crête vaguement éclairée de la barricade et s'enfoncer, la tête haute, dans la rue ténébreuse. De la barricade, on le suivit des yeux avec une anxiété croissante. Les cœurs ne battaient plus, les bouches ne respiraient plus. La nuit était si obscure qu'on le perdit de vue presque tout de suite. On put distinguer pendant quelques secondes seulement son attitude intrépide et ptaisible. Puis il disparut. On ne vit plus rien. On entendait seulement dans cette ombre un pas mesuré et ferme qui s’éloignait. Une lueur apparut ; c'était probablement une lanterne qu’on apportait ou qu’on replaçait. On revit Dussoubs à cette clarté, il était près des soldats, il allait y atteindre... Tout à coup, la commandement : Feu ! se fit entendre. Une fusillade éclata. Ils avaient tiré à bout portant. Dussoubs tomba. Puis se releva et cria : Vive la République! Une nouvelle balle le frappa; il retomba. Puis on le vit; se relever encore une fois, et on l’entendit crier d’une voix forte : Je meurs avec la République ! Ce fut sa dernière parole. »
    Le nom de ce citoyen n’est-il pas aussi honorable que ceux de Dupin, de Mac-Mahon et des Napoléon ? Son nom ne mérite-t-il pas d’être rappelé à la mémoire de tous aussi bien que ceux de saint Joseph, saint Hyacinthe, saint Spire ?
    Le Conseil municipal fera bien de persévérer dans sa première résolution et de préférer aux noms des saints et des traîtres, ceux des citoyens qui sont morts pour la défense de la loi et de la patrie.

    « La Liberté éclairant le Monde. » — C’est mercredi prochain [13], à trois heures, qu’aura lieu, place des1885 Etats-Unis, sous la présidence de M. Morton, ancien ministre des Etats-Unis à Paris, l’inauguration provisoire du modèle original de la reproduction de la statue de La Liberté éclairant le Monde, offert à la ville de Paris par las Américains. 
    Le Conseil municipal de Paris doit assister en corps à cette cérémonie.

    La Statue de la liberté. — Paris 13 mai, 9 h. 00. Aujourd’hui a eu lieu la cérémonie d'inauguration d’une réduction de dix mètres de hauteur de la statue de M. BarIholdi, la Liberté éclairant le Monde, offerte par la colonie américaine de la ville de Pars.
    La statue est élevée sur la Place des Etats-Unis où se trouve l’hôlel du ministre américain. Elle est tournée la face à l’est et regarde ainsi le centre de Paris.
    Le gouvernement était représenté par MM. Brissen, président du Conseil, et Allain-Targé, ministre de l’intérieur.
    La musique de la garde républicaine, placée derrière la statue, a joué pendant la cérémonie l’hymne national américain, la Marseillaise et le Chant du Départ.
    Devant la statue étaient disposées des banquettes pour les invités, parmi lesquels on remarquait un grand nombre de dames fort élégantes, appartenant à la colonie américaine.
    Discours de M. Morton.  A une heure et demie, M. Morion monta sur une estrade dressée devant la statue et prononce en anglais le discours suivant : 
    « Monsieur le président de la Chambre, Messieurs Ies ministres, Monsieur le président du Conseil municipal, Messieurs. »
    » Au moment où je vais quitter bientôt votre cher pays, j ’ai l’honneur de remplir encore une mission qui m’est bien agréable, celle d’être l’interprete des sentiments que mes compatriotes désirent vau-j exprimer en ce jour.
    » Demain, la statue colossale de la Liberté éclairant le Monde, le don généreux de la nation française fait aux Etats-Unis, quittera le port de Rouen à bord de la frégate l'/sère, pour être érigée à l’entrée de la rade de New York, où elle consacrera à jamais le souvenir de l’amitié qui unit les deux grandes Républiques sœurs.
    » Un comité américain s’est constitué à Paris pour organiser une souscription américaine et faire fondre en bronze le modèle de cette célèbre statue. Il était profondèment désirable que l'œuvre originale, telle qu''elle était sortie des mains dr votre éminent artiste, M. Bartholdi, fut conservéa au généreux pays qui a conçu la noble pensée du monument de l'Union franco-américaine.
    » Le bronze, offert par nous, restera un vivant souvenir de notre reconnaissance envers la France. Il devait être érigé là où l’on sent si vivement battre le cœur de la grande nation, notre amie, et sur la place à laquelle vous avez si courtoisement donné le nom de notre patrie.
    » La ville de Paris a bien voulu accueillir avec empressement nos vœux et même se charger gracieusement de l’érection de notre monument. Nous lui adressons nos plus chaleureux remerciements.
    » Au nom de mes compatriotes et du Comité qui a pris l’initiative de cette œuvre, je vous prie de vouloir bien agréer, au nom de la nation française, cet hommage des sentiments ds sympathie et d’amitié que nous désirons lui adresser. Que ces sentiments, avec la volonté de Dieu, unissent Ies deux nations à travers les siècles à venir!
    » En vous, messieurs, qui représentez la ville de Paris, qui conservez ce gage de nos sentiments, nous saluons la grande cité que nous admirons, que nous aimons, où nous sommes acclimatés comme si nous étions de véritables concitoyens.
    « Que cette statue de la Liberté, ce don de mes compatriotes, puisse contribuer à perpétuer l’amitié que les événements les plus divers depuis un siècle n’est cessé de raffermir.
    » Je désire, messieurs, en terminant, saisir cette occasion pour exprimer encore aux autorités municipales de Paris toute ma reconnaissance pour l’acte gracieux par lequel elles ont honoré mon pays durant ma mission, en donnant en 1881 le nom de Place des Etats-Unis à cette place où la légation était venue s' établir. » 
    Discours de M. Brisson.  Après cette allocution chaleureusement applaudie, M. Brisson prend la parole.
    » Il est plus heureux qu’il ne saurait dire d’avoir l’honneur de remercier le comité du don magnifîque fait par le peuple américain à la ville de Paris, et des sentiments d’amitié pour le peuple français que vient d’exprimer M. Morton.
    » Cette amitié entre les deux peuples est de vieille date. D’ailleurs, avant l’échange de ces deux monuments, les témoignages de cette mutuelle sympathie des deux nations ne manquaient ni d’un côté ni de l’autre de l'Atlantique.
    » Si à Paris des rues portent des noms américains, aux Etats-Unis ce sont des villes entières qui portent des noms français en souvenir de cette union séculaire.
    » Ces souvenirs ne sont pas ceux de sauglantes batailles, car notre amitié est comme la Liberté, de Bartholdi : elle éclaire le monde et ne le menace pas. Les Américains viennent de fêter le centenaire de leur République. Nous allons fêter le nôtre ; que cette cérémonie soit comme le trait d’union de ces deux jubilés.
    » Plus heureux que nous, moins entourés d’ennemis, ils ont pu atteindre plus vite à l’idéal de paix et de prospérité que se propose la République. La seule tragédie de leur histoire a montré quelle bonne éducatrice de tout genre est la liberté.
    » Forcés de faire la guerre, les Américains ont improvisé toutes les ressources nécessaires avec une énergie et une promptitude stupéfiantes.
    » La campagne du général Shermann égale par sa témérité calculée, les plus belles d’Annibal. Mais il n’est plus question de guerres à l’avenir ! Paix, liberté, justice entre les peuples, tel est le but vers lequel doivent marcher les deux nations, la main dans la main.
    » Un sentiment de regret se mêle à cette fête. Des hôtes apprécies, de la société parisienne, vont la quitter.
    » Les anciens disaient que quiconque a bu de l’eau du Nil est fatalement attiré vers ses rives toute sa vie. M. de Lesseps pourrait témoigner de la véracité de ce dicton.
    » Espérons, dit le ministre en terminant, que Paris peut développer chez ses hôtes une nostalgie analogue et que M. et Mme Morton en sentiront les atteintes.
    La colonie américaine applaudit vivement cette péroraison.
    Allocution de M. Boué. M. Boué, président du Conseil municipal constate ensuite, dans une chaleureuse allocution, les souvenirs d’amitié qui unissent Ies deux peuples.
    Allocution de M. de Lesseps.  M. de Lesssps, au nom du comité français égyptien, remercie le peuple américain de son splendide cadeau. Il est heureux de pouvoir le faire en présence de MM. de la Fayette et Rochamheau, les dignes héritiers de ses noms îllustres. Àprès une courte allocution de M. Fayette, la cérémonie est terminée à deux heures et demie. 

    Concours de chiens. — La Société centrale pour l’amélioration des races de chiens en France va organiser sa quatrième exposition annuelle sur le Cours-la-Reine, près la place de la Concorde, et la tiendra du 28 mai au 4 juin prochain .
    La Société n'ayant pu obtenir de nouveau, cette année, la terrasse des Tuileries, l’exposition canine aura lieu sur le terre-plein situé le long du quai de la Conférence, entre les ponts de la Concorde et des Invalides.

    BRUNEAUX. — 24, boulv. Poissonnière, Paris. Restaurant de 1er ordre ; cuisine parfaite. — Déjeuner : 3 fr. ; Dîner : 4 fr. une bouteille de vin par repas. 

    Plus de savon. — Un blanchisseur des environs de Paris vient de trouver un moyen fort ingénieux de nettoyer le linge sans savon. Cet industriel ne se sert ni de soude ni de lessive, encore moins de chlorure, et remplace tous ces ingrédients par....... des pommes de terra cuites à l' eau chaude, dont il frotte simplement le linge. Ce procédé, au moins curieux, est, paraît-il, bien supérieur à ceux employés jusqu’à ce jour.

    Espions allemands. — Le général Campenon a été avisé que des espions allemands avaient pénétré dans l’établissement Caill, pour y étudier le nouveau canon Bange.

    L ’état de siège en Russie. — On écrit de Saint-Pétersbourg, le 15 mai, que le czar insiste pour qu’on lève toutes les mesures exceptionnelles prises en 1880 à l’égard des nihilistes, soit l’état de siège, les cours martiales, exécutions sommaires et déportations administratives. Le sénateur Durnowo, qui remplace le comte Tolstoï, s’est opposé à la suppression des mesures exceptionnelles, il prétend être informé d’une nouvelle entrée en campagne des nihilistes, qui s’agitent à Genève, Londres et Paris.

    La Ligue des Patriotes. — Le comité directeur de la Ligue des Patriotes a procédé avant-hier [15] aux élections suivantes :
    Ont été élus à l’unanimité :
    Président de la Ligue des Patriotes M.Paul Déroulède ; — Vice-Présidents : MM. Alfred Mézières, Féry d’Esclands, docteur Marmottan, G. Rothan ; — Directeur du Drapeau, moniteur illustré de la Ligue: M. Armand Goupil ; — Secrétaire général : M. J. Sansbœuf; — Trésorier ; M. Dessand.

    VICTOR HUGO SE MEURT. — Notre correspondant particulier nous télégraphie : Paris, 18 mai, 9.h15 s. VICTOR HUGO SE MEURT. On ne s’occupe dans les couloirs que de Victor Hugo qui est à toutes extrémités. 
    M. Lockroy, à son arrivée est très entouré ; députés et journalistes demandent anxieusement des nouvelles. M. Lockroy répond assez évasivement, mais il est facile de voir, à l’embarras qu’il éprouve, qu’il n’y a plus d’espoir. 
    MM. Floquet, Freycinet, Brisson et une foule de notabilités de la politique, de la littérature, des services et des arts vont chex M. Hugo aux renseignements. M. Pelletau dit que ce n’est plus qu’une question d’heures. 
    Le visage de l’illustre malade est déjà décomposé. Victor Hugo ne respire qu’avec une difficulté extrême. On attend de minute en minute le dénouement fatal. 
    On est absolument consterné. 
    On parle du lever la séance de la Chambre en signe de deuil, si la nouvelle de la mort était annoncée officiellement. 
    Les premières atteintes. — C’est jeudi dans la nuit, que Victor Hugo a ressenti les premières atteintes du mal qui vient de le frapper.
    Suivant l’habitude, le poète avait reçu, ce jour-là comme tous les jeudis. Le dîner avait été donné en l’honneur de M. de Lesseps et de ses enfants.
    Victor Hugo s’était montré très enjoué et très animé. Toutefois on croit se souvenir d’une légère pâleur inusitée paraissant sur son visage. 
    La réception prit fin vers onze heures. Dans le courant de la nuit, Victor Hugo se sentit gravement indisposé. On constata qu’il y avait ralentissement dans les mouvements du cœur. 
    Les premiers soins. — Le docteur Allix, prévenu par la famille, accourut aussitôt et donna les premiers soins, l’indisposition parut s’atténuer. 
    La journée de vendredi se passa sans incident notable. Victor Hugo, en proie à une grande fatigue, dut garder le lit. 
    Congestion pulmonaire. — L’état s’aggravant dans la soirée, on décida de recourir à l’intervention du docteur Germain Sée, médecin et ami de la famille. C’est samedi matin que le docteur Sée fit sa première visite et il reconnut tous les symptômes d’une congestion pulmonaire. 
    Depuis, il y a trois consultations par jour et ce soir, le docteur Vulpain doit, à six heures, se joindre à son confrère, M. Germain Sée.
    Victor Hugo toujours Iucide. — Le poète a conservé sa parfaite liberté d’esprit ; il s’exprime nettement sur son état, dont il ne se dissimule pas la gravité. Il le constate Iui-même dans les entretiens qu’il a avec les siens. Personne n’est admis auprès de lui. 
    Il n’a au chevet de son lit que ses deux petits-enfants, Jeanne et Georges Hugo; M. et Mme Lockroy et deux ou trois amis dévoués, MM. Auguste Vacquerie et Paul Meurice.

    Fatale erreur. — Nous apprenons le décès de M . Davesne, capitaine de gendarmerie en retraite, chevalier de la Légion d’honneur, et habitant à Paris, 12, rue Dussoubs. M. Davesne s’est empoisonné en voulant absorber un médicament : il a par erreur, avalé une forte dose de nitrate d’argent. La mort a été foudroyante. M. Davesne avait été lieutenant de gendarmerie à Mézières, où il avait laissé, ainsi qu’à Charleville, nombre d’amis et d’excellents souvenirs.

    Anniversaire de Michelet. — A l’occasion de l’anniversaire de Michelet, une manifestation avait été organisée hier par les étudiants, qui sont venus sur la tombe de l’illustre historien, au cimetière Montparnasse, déposer une magnifique couronne de violettes au pied du monument. Mme Michelet assistait à cette touchante cérémonie.

    VICTOR HUGO SE MEURT (2). — Notre correspondant particulier nous télégraphie : Paris, 19 mai, 9.h15 s.
    Au Palais-Bourbon, sur les boulevards,dans les cafés, partout, enfin, on ne cause que de la maladie de Victor Hugo. Le grand poète a tenu, et occupe encore, une telle place parmi nous qu’il est naturel que la nouvelle de l’imminence de sa mort remue et passionne tout le monde. 
    Etat désespéré. — Disons-le de suite, Victor Hugo est toujours dans un état désespéré. Les médecins ne comptent plus guère que sur le hasard pour opérer un miracle, et puis l'auteur de la Légende des Siècles possède un tempérament si vigoureux qu’il faut s’attendre à tout avec une aussi robuste nature. Mais il serait bien extraordinaire que les quatre-vingt-trois années de Victor Hugo, eussent la force de triompher du mal. 
    Bulletin sanitaire. — La nuit a été mauvaise. Voici le bulletin des médecins. A la suite d’une violente oppression il s’est manifesté cette nuit une syncope prolongée. Ce matin l’état des forces et de la respiration est à peu près la même qu’hîer soir. A. VULPIANGERMAIN SÉEDR ALIX
    Mardi, 9 heures, matin, Victor Hugo a eu le délire cette nuit, il a même dit un vers fort beau dans son délire, le voici : C'est ici le combat du jour et de la nuit
    Victor Hugo s’est évanoui, ce matin, à la suite d’un violent étouffement. Tous ceux qui l’entouraient ont cru que ses derniers moments étaient arrivés. Cependant l’illustre malade est revenu à lui peu à peu et une période de calme a succédé à la crise. Il a dit aux personnes qui l’entouraient : « Qu'on a donc de peine à mourir, j'étais cependant tout prêt ! »
    Il s’est endormi profondément vers midi et a reposé quelque peu. 
    Le malade respire avec une très grande difficulté.
    Il a pu prendre un bouillon vers trois heures. 
    Victor Hugo est très changé. La figure est jaune d’ivoire, amaigrie ; la barbe est allongée et le corps décharné.
    Les ministres chez Victor Hugo . — Ce matin, à l’issue du Conseil des ministres, MM. Henri Brisson, de Freycinet, Allain-Targé, René Goblet et Pierre Legrand se sont rendus séparément chez Victor Hugo. Le président de la République et le ministre des affaires etrangères avaient déjà fait prendre dans la matinée des nouvelles de l’illustre malade. 
    Les ministres ont été reçu par M. Edouard Lockroy qui leur a dit que Victor Hugo avait éprouvé, dans la nuit, une longue syncope et qu’un dénouement fatal était à craindre. 
    Chez Victor Hugo. — Tout ce qui porte un nom dans la littérature, dans les sciences, dans les arts et dans la politique va aux nouvelles au domicile de Victor Hugo ; il y a beaucoup de monde séjournant devant la maison du poète. Les voitures ne vont qu’au pas. 
    On redoute une issue fatale pour cette nuit.

    La Santé de Victor Hugo. — Victor Hugo a passé une très mauvaise nuit: il y a eu des alternatives d’état comateux avec ralentissement considérable du pouls, et ensuite d’état fébrile avec surexcitation marquée. Pour atténuer les souffrances du malade, on a dû recourir à des piqûres de morphine. 
    Entre onze heures et midi, a eu lieu une consultation à la suite de laquelle les médecins ont rédigé le bulletin suivant : 
    20 mai, midi. 
    « La nuit a été assez agitée et troublée par deux accès d’oppression. Ce matin, on constate un certain degré d’engorgement pulmonaire du côté droit. 
    » VULPIAN, SÉE, ALLIX ».
    Une nouvelle piqûre de morphine a été faite cette après-midi au malade auquel ou a ensuite fait boire une cuillerée de quinquina mélangée de noix vomique. 
    Cette absorption a déterminé un mouvement brusque chez Victor Hugo qui s’est ensuite pelotonné dans ses oreillers et est tombé, quelques minutes après, dans un assoupissement profond qui pourra, pense-t-on, durer quelques heures.

    A l’exposition d’horticulture. — Le mauvais temps n’a pas empêché le président de la République de visiter l'exposition d’horticulture. Le chef de l’Etat est arrivé au pavillon de la ville, à 2 h. 20, en voiture, accompagné de MM. le général Pittié, Hervé-Mangon et Tisserand.
    Reçu par M. Léon Say, ayant à ses côtés M . Hardy et les autres membres du comité, M . Grévy a aussitôt commencé sa promenade dans l’exposition, guidé par M . Charles Joly, président de la commission d’organisation.
    Au nombre des personnes qui faisaient partie du cortège du chef de l’Etat, se trouvaient ; MM. Brisson; Poubelle, préfet de la Seine ; le colonel Lichtenstein; Caubet, chef de la police municipale ; Jacquin, directeur des grâces au ministère de la justice ; Gragnon, préfet de police, et le président du Conseil municipal.
    Ces deux derniers ont quitté l’exposition à deux heures quarante minutes pour aller faire l’ouverture de la nouvelle session du Conseil municipal.

    INCENDIE A BERCY. — Vers cinq heures et demie [21], ce matin, le feu se déclarait avec violence dans les magasins de vins de MM. Moule-Astier et Cie, rue Gortou, 6, à l’entrepôt de Bercy.
    Attaqué vivement par les pompes à bras de l’entrepôt et un détachement de sapeurs-pompiers, venus de la caserne de Reuilly, le feu prit malgré cela une rapide extension.
    A six heures vingt, la pompe à vapeur du poste de la rue Pomard était en batterie à l’angle de la rue de Bordeaux.
    Cinq minutes après, la pompe à vapeur de la rue Jeanne d’Arc était mise en batterie également à l’angle de la rue Corbineau. Sous l’action de ces pompes le feu a été circonscrit à sept heures, mais les magasins où il avait iris étaient complètement détruits et dès lors on dut se borner à noyer les décombres.
    M. Lefebvre, commissaire de police, accouru dès que l’alarme fut donnée, commença une enquête d’où il résulte que le feu semble avoir pris accidentellement dans un grenier plein de futailles vides situé au-dessus des magasins de MM. Moullé et Astier.
    Une certaine quantité de fûts pleins ont été préservés, mais les dégâts non encore évalués et couverts par des contrats d’assurances sont assez considérables.
    Il n’y a pas eu d’accident de personnes.
    Toute la matinée les pompes sont restées à l’entrepôt, préservant les établissements voisins et inondant le foyer de l’incendie.

    Mort de M. de Neuville. — M. Alphonse de Neuville, le peintre de batailles bien connu, est mort, à Paris, hier matin [20], à onze heures, après une longue et cruelle maladie. 
    1885La mort du célèbre auteur de tant de toiles remarquables sera vivement ressentie dans le monde artistique, où M. de Neuville avait su conquérir une des premières places. 
    Dans nos Ardennes on n’oubliera pas que le jeune maître qui vient de s’éteindre à 39 ans était l'auteur du célèbre tableau : Les Dernières Cartouches, représentant l’un des épisodes les plus émouvants de l’héroïque défense de Bazeilles. 1885
    Rien n’a été plus vraiment patriotique que l’ensemble de son œuvre. De Neuville, en effet, avait assumé la rude et pénible tâche de faire défiler chaque année, sous nos yeux, des épisodes empruntés aux événements militaires de l’année terrible. Il avait projeté d’en être l’historiographe à sa façon, d'en conter sur la toile les drames, les héroïsmes et les misères, et il y travaillait sans relâche avec une obstination, un courage, une ardeur que rien ne pouvait lasser. 
    Il s’était enfermé dans la sombre époque et n’en voulait pas sortir. Cent fois on avait tenté de le détourner de son but, mais il avait résolu de le poursuivre et rien n’aurait pu l’en dissuader. « Pourquoi, lui disait un jour Ludovic Halévy, évoquer sans cesse les souvenirs d’un douloureux passé? Peut-être vaudrait-il mieux oublier et tenter de faire oublier? » — « Souvenons-nous, au contraire. avait répondu de Neuville, et obligeons les autres à se souvenir ».
    Aucun peintre militaire en ce temps-ci n’aura conté la bataille de façon plus émouvante que Neuville. 
    Il laisse derrière lui une renommée aussi haute que celle des Gros, des Vernet, des Charlet, des Géricault, des Bellangé: plus haute que la renommée de Pils et d’Yvon, qui eurent un moment, comme peintres de batailles, la faveur du public et les commandes des souverains. 
    Ses obsèques auront lieu vendredi, à midi.

    En chasse sur la place de l’Opéra. — Vif émoi, hier après-midi [20], sur la place de l'Opéra. Un passant, apercevant un couple de pigeons perchés sur une des corniches de la façade du théâtre, s’est mis à tirer sur eux trois coups de revolver. Ces détonations successives ont eu pour effet de rassembler plus de mille curieux, et quand les gardiens de la paix sont arrivés, l’auteur de cet exercice cynégétique s’était prudemment esquivé.

    Maladie de Victor Hugo. — L’état de Victor Hugo ne s’est malheureusement pas modifié ; il s’est encore aggravé, si possible. L’illustre malade a passé une très mauvaise nuit. On est obligé, comme hier, pour adoucir sa souffrance, de lui faire de fréquentes piqûres de morphine. 
    Accès de délire. — Il a des accès de délire qui donnent, à tous instants, les plus grandes inquiétudes aux personnes qui veillent pieusement à son chevet. La respiration est difficile et le malade a de grosses oppressions et des moments de grande agitation. Bulletin sanitaire. — Voici le bulletin de ce matin [22] :
    « La nuit a été tranquille sauf quelques instants d’oppression et de grande agitation. En ce moment la respiration est assez calme. Les fonctions intellectuelles sont intactes. Situation inquiétante. 
    » Le 21 mai 1885, 9 h. du matin. 
    » A. VULPIAN, Germain SÉE, Dr ALLIX .
    Au chevet du malade. — Aujourd’hui, à onze heures du matin, Victor Hugo sommeillait, le docteur Allix qui ne s’était pas couché depuis trois jours et trois nuits a pris quelques heures de repos pendant lesquelles il a été remplacé au chevet du malade par M. Naquet, sénateur, qui, comme on le sait, est docteur en médecine. 
    Passera-t-il la nuit? — En réalité, on attend l’issue fatale d’une minute à l’autre. C’est grâce à sa vigoureuse constitution que Victor Hugo peut ainsi faire face à la maladie. Les médecins disent qu’il ne passera pas la nuit. 
    Commencement de l’agonie. — Victor Hugo a pu prendre ce matin quelques cuillerées de potion. Le poète, absolument silencieux depuis hier, reconnaît néanmoins, toutes les personnes qui s'approchent de son chevet et leur témoigne son affection par une pression des mains ; c’est l’agonie, une agonie relativement douce. 
    A une heure, Victor Hugo a eu une syncope très violente qui a jeté la famille et ses amis dans la consternation. Les médecins n’ont pas communiqué de bulletin cette après-midi. 
    Visites chez Victor Hugo. — Le général Pittié s’est rendu à dix heures du matin chez Victor Hugo pour prendre des nouvelles de l’illustre malade au nom du président de la République. Toutes les notabilités de la littérature, de la politique, de la science et des arts continuent d’aller s'inscrire sur le registre placé dans le vestibule du petit hôtel que Victor Hugo occupe, 50, avenue Victor Hugo. 
    Une foule nombreuse, sans cesse renouvelée et dans laquelle on voit beaucoup d’ouvriers, stationne dans une attitude respectueuse et discrète sur le trottoir qui fait vis à vis à la maison. La maladie de Victor Hugo frappe le peuple au cœur et émeut tout le monde.
    Le malade. Nouvelle syncope. — A deux heures, Victor Hugo est dans un assoupissement profond. L’état s’est aggravé considérablement et l’on redoute l’issue fatale pour la journée. A onze heures, Victor Hugo a absorbé quelques cuillérées de potage et a bu un verre de zucco. 
    Aux questions qu’on lui pose le malade ne répond plus que par des monosyllabes. De demi-heure en demi-heure on lui fait une piqûre de morphine. A une heure et demie, Victor Hugo a été pris d’une syncope très grave qui a duré une demi-heure, mais qui ne lui a pas enlevé la lucidité de son esprit.

    Maladie de M. Marmier. — M. Xavier Marmier, de l’Académie française, a été pris, il y a huit jours, d’une indisposition assez grave qui l’oblige à garder la chambre. Depuis, une hémorrhagie interne s'est déclarée. Cette complication paraît d’autant plus inquiétante que le malade, déjà très faible, est âgé de soixante-seize ans. Depuis avant-hier, un grand nombre d’amis sont venus s’inscrire au domicile de l’académicien, 1,rue St-Thomas d’Aquin.

    Une singulière rencontre. — Au moment où Victor Hugo mourait, on mettait, à l’hôtel des ventes, aux enchères, une statue de L'Enfant sublime, du sculpteur Rughes.

    Santé de l’empereur d’Allemagne. — Le bruit de la mort de l’empereur d’Allemagne a couru hier à Paris. Cette nouvelle est démentie et une dépêche de Berlin assure que l’état de santé du vieux souverain s’est au contraire amélioré. La vérité est que la santé de l’empereur, qui souffre d’un catarrhe, inspire à son entourage de très sérieuses inquiétudes. On sait que l’empereur est âgé de 88 ans.

    LES OBSÊQUES DE COURNET. — Les malheureux incidents de dimanche [24] donnaient une certaine importance aux obsèques de Cournet, ancien membre de la Commune, qui avaient lieu lundi.
    Les anciens combattants de 1871 avaient lancé un appel aux divers groupes révolutionnaires.
    A midi, on comptait près de mille personnes dans la rue Guy-Patin: presque tous portaient à la boutonnière l'immortelle rouge ou jaune.
    M. Honorat, inspecteur divisionnaire, invite les chefs des révolutionnaires à ne déployer aucun drapeau rouge sur la voie publique.
    Seules, quelques bannières rouges et noires portant des inscriptions, ont été tolérées.
    Sur le parcours du cortège, quelques cris de : Vive la Commune !
    Au cimetière, des amis du défunt ont prononcé des discours. Inutile d’ajouter qu’ils ont été suivis des cris de : Vive la Commune!
    Aux fédérés ! Aux fédérés, crie-t-on de toutes parts et quelques centaines de personnes se dirigent vers le lieu de l’échauffourée de la
    veille.
    A la sortie du cimetière, quelques anarchistes déploient leur drapeau ; c’est alors que la police est intervenue ; une bagarre s’en est
    suivie et la garde républicaine dut venir prêter main forte pour dégager les abords du cimetière.
    Aucune blessure à déplorer ; sept ou huit arrestations ont été faites.

    La manifestation du Père-Lachaise. — C’était dimanche l'anniversaire de la fin de la Commune.
    Le parti révolutionnaire avait décidé de donner, cette année, une importance considérable à cette manifestation et voici l’avis qu’il avait publié à ce sujet :
    « Le Comité général du monument des fédérés, réuni en assemblée générale plénière, le 16 mai 1884, invite toutes les citoyennes et
    tous les citoyens qui viendront le 24 mai au Père-Lachaise honorer la mémoire des combattants de 1871 à apporter chacun, in-dépendamment des couronnes d’habitude, des fleurs boutures, plantes d’une nature résistante, qu’ils planteront, eux-mêmes sur Ie terrain concédé par le conseil municipal de Paris et de façon à l’occuper complètement.
    « Les citoyennes et les citoyens des départements sont invités à envoyer des représentants qui se joindront de la même manière à cette manifestation. »
    L ’arrivée des révolutionnaires. — Dès midi, un certain nombre de groupes arrivent au cimetière, portant des couronnes, des fleurs, et, quelques-uns des drapeaux rouges ou noirs. Ils se dirigent d’abord vers la tombe de Blanqui où des discours sont prononcés et des couronnes déposées.
    Tout s’était passé tranquillement jusqu’à deux heures un quart; des anarchistes et d'anciens partisans de la Commune étaient entrés et s’étaient rendus directement sur le terrain concédé par la Ville, où sont tombés les derniers combattants de la Commune.
    Les mesures préventives. — Une trentaine d’agents, commandés par M. Auger, officier de paix, étaient massés aux environs de la tranchée, ainsi qu’un peloton de gardes de Paris. Des discours venaient d ’être prononcés par les citoyens Vaillant, Eudes, Tortillier et Pnchet, discours ponctués de nombreux cris de : Vive la Commune ! lorsque apparut un groupe d’anarchistes, précédés d’un drapeau rouge et criant : Vive la Commune ! A bas le gouvernement ! Vive la Révolution sociale !
    La foule devenait considérable.
    L ’officier de paix fît demander du renfort et on lui envoya des gardiens de la paix sous le commandement de M. Carnat, nouvel officier de la quatrième brigade centrale, plus un détachement de gardes de Paris.
    La bagarre. — Au même moment un anarchiste accourut auprès du tombeau de Blanqui et dit : « Compagnons, vite au mur, la garde de Paris arrive, on tue nos frères. »
    Tout le monde partit à la suite de ce citoyen, on le suivit jusqu’au mur. La mêlée était commencée.
    Les agents avaient reçu l’ordre d’enlever les drapeaux rouges. lls avaient obéi, non sans peine; les étoffes avaient été déchirées, les
    hampes brisées.
    Un cri retentit : « Frères, il y a des pierres sur le sol, frappons, défendons-nous ! »
    Les manifestants s’armèrent de pierres qu’ils ramassèrent et frappèrent au hasard. De leur côté, les gardiens de la paix avaient mis le
    sabre en main et les gardes de Paris baïonnette au canon. Pendant un quart d’heure la mêlée fut générale, on se battait même corps
    à corps; un garde de Paris, Clavel, du 3e bat., 6e comp., reçut un violent coup sur la tête ; il se jeta sur son agresseur qui voulait le désarmer et tous deux roulèrent au bas du talus. Enfin le garde Clavel parvint à se relever et finit par emmener son adversaire jusqu’au poste.
    Les blessés. — On compte 50 blessés civils et 30 agents ou soldats, dont quelques noms suivent :
    1° Joachim, deux coups de baïonnette. En danger de mort.
    2° Auguste Millot. Egalement dans un état désespéré.
    3° Robin, coup de sabre.
    4° Maës, coup de sabre.
    5° Carnat, officier de paix, crâne fendu.
    6° Auger, blessure à la joue et contusions aux reins.
    7° Clavel, du 3e bataillon de la garde de Paris.
    8° Delvaud, du 3e bataillon de la garde de Paris. Deux coups de couteau reçus en portant secours à M. Carnat.
    9° Grandmougin, sous-brigadier des gardiens de la paix.
    10° Mauville, gardien de la paix.
    11° Mouget, gardien de la paix.
    12° Kaiser, gardien de la paix.
    13° Bréant, gardien de la paix. Trois côtes enfoncées.
    14° Andréas, gardien de la paix. Epaule démise et graves contusions.
    15° Un agent de la sûreté, en bourgeois, a eu le crâne ouvert. Il est en danger de mort.
    16° Lavoux, gardien de la paix. Nez écrasé.
    17° Authé, gardien de la paix. Contusions graves.
    Les arrestations. — De nombreuses arrestations ont été opérées. Trente-deux ont été maintenues.
    Huit des personnes arrêtées passeront aujourd’hui même devant le tribunal des flagrants délits.
    A l’issue de cette manifestation, les socialistes, anarchistes, révolutionnaires se i sont réunis à la salle Graffart pour décider que tous
    sans exception assisteront à l'enterrement de Viotor Hugo.
    De leur côté, les journalistes républicains se sont réunis dans les bureaux de l'Intransigeant. Etaient présents : MM. Clémenceau, Rochefort, Laisant, Mayer, Lissagaray, Duc-Quercy, Ch. Longuet, Vaughan et des rédacteurs du Rappel, de l'Electeur républicain, du Télégraphe, du Petit Parisien. Aucune décision n’a été prise.

    Désaffectation du Panthéon. — Comme nous le faisions pressentir, hier [27], le décret de la désaffectation du Panthéon a été signé, hier matin, par le Président de la République.

    Meurtrier involontaire. — Les habitants de la rue Eugène Gibe, à Paris, ont été mis en émoi, hier [27], par un terrible accident. 
    Un jeune homme, nommé Charles Buffet, en déchargeant un pistolet, contenant des chevrotines, a atteint une petite fille, âgée de douze ans, nommée Amanda Mertens; la malheureuse enfant, transportée dans une pharmacie, y a succombé presque aussitôt.
    L’auteur involontaire de ce meurtre, fou de douleur, est allé se constituer prisonnier.

    Un vol de 1OO.OOO francs. — Le voyageur d’une grande maison de bijouterie de Paris, la maison Vuilleret, vient d’être dévalisé à Toulon (Var), d’une sacoche renfermant 100,000 francs de bijoux.

     

    Juillet

    Assassiné par son caissier. — Un drame sanglant s’est déroulé, ce matin, dans les magasins de confections pour hommes du « Siège des Mille», situés 147, rue du Faubourg-St-Martin. Le chef de cette maison, M. Dericquehem, avait congédié hier soir son caissier, M. Paul Richel, âgé de soixante ans auquel il reprochait ses irrégularités et son inconduite. Ce dernier est venu attendre son patron, ce matin, dans son bureau et dès qu’il l’a vu arriver à huit heures trente, il lui a logé trois balles de revolver dans la région du cœur. L ’assassin s’est ensuite tiré deux coups de revolver dans la tête ; il ne s’est que grièvement blessé et a été transporté à l’hôpital Lariboisière. L ’état de M . Dericquehem est désespéré.

    7 ,0 0 0 FRANCS DANS UN GlLET . — Hier matin, M . R ..., ingénieur civil, se présentait chez un tailleur du quartier du Mail pour prendre livraison d’un complet qu’il avait commandé.
    M. R .. fut reçu par le coupeur de la maison, qui, voulant se rendre compte de la bonne confection du vêtement, pria le client de vouloir bien ressayer. Ce dernier accéda à ce désir et fut si satisfait qu’il dit au coupeur qu’il gardait le vêtement sur lui.
    M. R .. laissa alors les habits qu’il portait pour qu’on y fît des réparations ; on devait les lui rapporter le lendemain, à son domicile. Il alla ensuite faire une course.
    En route, M. R... se rappela qu’il avait placé dans la doublure de son gilet sept billets de banque de mille francs, enveloppés dans une feuille de papier blanc sur lequel était tracé au crayon bleu le chiffre 7,000 fr. En toute hâte il revient chez le tailleur pour faire sa déclaration. M. R ... ne trouva pas à parler au même employé, et il lui fut répondu que ses vêtements qu on lui présenta d’ailleurs, étaient passés dans plusieurs mains. Il eut beau fouiller dans toutes les poches et palper toutes les doublures, les billets de banque avaient disparu.
    L ’ingénieur est allé faire sa déposition à qui de droit.
    Voilà, certes, an complet qui pourra coûter cher !

    Le meurtre du faubourg Saint-Martin {mort de la victime). — M . Deriequehem a succombé avant-hier soir, à six heures quarante minutes, aux suites de ses blessures. Il a été étouffé par un flux de sang. Jusqu’au dernier moment, M. Deriequehem a conservé toute sa lucidité d’esprit.

    LA FEMME AUX TROIS MARIS. — Une bien curieuse histoire, plus extraordinaire encore peut-être que celle du fameux bigame d’Alfortville, passionne depuis quelques jours les habitants d’un quartier très populeux de l’est de Paris. Nous ne pouvons donner aujourd’hui que des indications vagues, car l’affaire, dont la plupart des détails essentiels nous sont bien connus, est d’une nature des plus délicates. Tout ce qu’il nous est permis de dire, c’est qu’un ancien militaire, disparu depuis la fin de la guerre de Crimée, et qui s’était marié à Paris fort peu de temps avant son départ pour Sébastopol, avec une jeune fille de seize ans, est arrivé tranquillement à Paris il y a quatre jours et a retrouvé sa femme. Seulement, dans l'intervalle, cette dernière s'est remariée deux fois ; le second mari est mort il y a quelques années ; le troisième est bien vivant. Le premier époux n’a pas encore fait connaître ses intentions mais en attendant, la femme aux trois maris et sa singulière aventure causent une vive sensation dans le quartier.

    LE CRIME DE LA RUE BERGERE. — Au  24 de la rue Bergère, la fille Hélène Stains, âgée de 32 ans, n'avait pas reparu depuis mercredi dernier. La concierge prise d'un pressentiment, sonna hier matin à plusieurs reprises à la porte du logement et n’ayant pas obtenu de réponse, elle prévint M. Thomasi, commissaire de police. Le magistrat sa rendit à son domicile à onze heures et fit enfoncer la porte par un serrurier. On découvrit alors dans la chambre à coucher, près du lit, le cadavre de la fille Stains, gisant étranglée, un foulard serré autour du cou. On croit que le crime a été commis dans la nuit de mercredi à jeudi. Un individu encore inconnu ayant accompagné cette fille chez elle, s’est précipité sur elle et l’a assassinée pour là voler. Le chef de la sûreté est sur les lieux du crime et commence une information.

    Une terrible erreur . — Un élève pharmacien de l'hôpital St-Louis s’est trompé de flacon en donnant une potion à deux malades ; il leur a administré des gouttes de baume noir au lieu de gouttes d’eau-de-vie allemande. Les malheureux sont morts foudroyés. L ’étudiant est fou de désespoir.

    L’incendie de la rue Gameron. — Paris, 26 juillet. Un terrible incendie a éclaté, hier soir, rue Gameron, près l’avenue de Clichy, dans les magasins de tapis et meubles de M. Rousseau. Les accidents ont été nombreux. Deux pompiers ont été blessés : l’un, nommé Sergent, par une poutre enflammée qui lui est tombée sur le dos ; l’autre, par un éclat de bois qui l'a éborgné.
    Un gardien de la paix, nommé Lesage, a été blessé au tibia par une poutre; M. Rabot, gardien au Parc Monceaux, qui venait de quitter son service, a été également blessé à la jambe.
    Enfin, un nommé Schmitt, âge de 20 ans, demeurant rue Ste-Euphrasie, 4, a été atteint derrière la tête par une poutre enflammée.
    Tous ces blessés ont reçu des soins à la pharmacie Lesecq, 36, avenue de Clichy.
    On était maître du feu à 1 h. 1/2. Mais à ce moment la fumée a failli causer de nouveaux accidents. Nous avons vu emporter plusieurs pompiers et travailleurs à demi-asphyxiés.
    Deux chevaux appartenant à M. Rousseau et qui se trouvaient dans une écurie n’ont pu être sauvés et ont été grillés. Les dégâts sont considérables; car, en dehors des 1,000 grands tapis dont nous avons parlé, il en existait un très grand nombre de plus petite taille. On parlait de 20,000.

    Bachelières. — Vendredi, à la Sorbonne, deux jeunes filles ont subi les épreuves du baccalauréat ès-sciences : Mlle Grant, originaire des Indes anglaises, et Mlle Rollet, française. Chacune d’elles a fait la meilleure version de sa série.

    VICTOR HUGO SE MEURT. — Notre correspondant particulier nous télégraphie : Paris, 18 mai, 9.h15 s. VICTOR HUGO SE MEURT. On ne s’occupe dans les couloirs que de Victor Hugo qui est à toutes extrémités. 
    M. Lockroy, à son arrivée est très entouré ; députés et journalistes demandent anxieusement des nouvelles. M. Lockroy répond assez évasivement, mais il est facile de voir, à l’embarras qu’il éprouve, qu’il n’y a plus d’espoir. 
    MM. Floquet, Freycinet, Brisson et une foule de notabilités de la politique, de la littérature, des services et des arts vont chex M. Hugo aux renseignements. M. Pelletau dit que ce n’est plus qu’une question d’heures. 
    Le visage de l’illustre malade est déjà décomposé. Victor Hugo ne respire qu’avec une difficulté extrême. On attend de minute en minute le dénouement fatal. 
    On est absolument consterné. 
    On parle du lever la séance de la Chambre en signe de deuil, si la nouvelle de la mort était annoncée officiellement. 
    Les premières atteintes. — C’est jeudi dans la nuit, que Victor Hugo a ressenti les premières atteintes du mal qui vient de le frapper.
    Suivant l’habitude, le poète avait reçu, ce jour-là comme tous les jeudis. Le dîner avait été donné en l’honneur de M. de Lesseps et de ses enfants.
    Victor Hugo s’était montré très enjoué et très animé. Toutefois on croit se souvenir d’une légère pâleur inusitée paraissant sur son visage. 
    La réception prit fin vers onze heures. Dans le courant de la nuit, Victor Hugo se sentit gravement indisposé. On constata qu’il y avait ralentissement dans les mouvements du cœur. 
    Les premiers soins. — Le docteur Allix, prévenu par la famille, accourut aussitôt et donna les premiers soins, l’indisposition parut s’atténuer. 
    La journée de vendredi se passa sans incident notable. Victor Hugo, en proie à une grande fatigue, dut garder le lit. 
    Congestion pulmonaire. — L’état s’aggravant dans la soirée, on décida de recourir à l’intervention du docteur Germain Sée, médecin et ami de la famille. C’est samedi matin que le docteur Sée fit sa première visite et il reconnut tous les symptômes d’une congestion pulmonaire. 
    Depuis, il y a trois consultations par jour et ce soir, le docteur Vulpain doit, à six heures, se joindre à son confrère, M. Germain Sée.
    Victor Hugo toujours Iucide. — Le poète a conservé sa parfaite liberté d’esprit ; il s’exprime nettement sur son état, dont il ne se dissimule pas la gravité. Il le constate Iui-même dans les entretiens qu’il a avec les siens. Personne n’est admis auprès de lui. 
    Il n’a au chevet de son lit que ses deux petits-enfants, Jeanne et Georges Hugo; M. et Mme Lockroy et deux ou trois amis dévoués, MM. Auguste Vacquerie et Paul Meurice.


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  • Avril

    UN DRAME DU QUAl DE L'HÔTEL DE VILLE. — Cette nuit (1er  avril), vers une heure du matin, un drame sanglant s'est passé dans un hôtel garni, quai de l'Hôtel-de-Ville, 83, à Paris. Un cuisinier nommé Clément a tué sa jeune femme de dix-neuf ans, en lui tirant à bout portant dans l'oreille deux coups de revolver. Pris de frayeur en voyant le cadavre de sa victime, le meurtrier est descendu au bureau de l’hôtel pour annoncer qu’il venait de « faire un mauvais coup». Par les soins du maître d'hôtel, le poste voisin a été prévenu aussitôt. M. Foucqueteau, commissaire de police s’est transporté sur les lieux, accompagné des docteurs Avezou et Ledé, pour faire les constatations légales. Pendant que le maître d’hôtel courait chercher les agents, Clément était remonté dans sa chambre.Là, il a essayé de se faire justice lui-même et s’est tiré trois coups de revolver. Lorsque M. Foucqueteau est arrivé sur le théâtre du crime, le meurtrier était couché à côté de sa malheureuse victime. Il respirait encore, mais ses blessures sont très graves : une balle a pénétré dans le cerveau. M. Foucqueteau s’est empressé de faire transporter le blessé à l'Hôtel-Dieu, où il a été admis d'urgence. On ignore les motifs qui ont poussé Clément à commettre ce crime. Depuis plusieurs jours ses camarades lui trouvaient un air préoccupé et chagrin : il semblait miné par la jalousie. Avant le crime, Clément avait fait de copieuses libations.

    UN VOL AUDACIEUX. — Un vol, accompli dans de singulières circonstances, a été commis, dit la Gazette des Tribunaux, avant-hier (30 mars) chez un artiste d'un théâtre de Paris, qui habite rue Montmartre. En rentrant chez elle, vers dix heures et demie, Mlle Julia C... s’aperçut que la fenêtre de sa salle à manger, donnant sur une terrasse, était ouverte. Sans se préoccuper davantage de ce fait, elle fit fermer cette fenêtre et passa dans sa chambre coucher. Hier matin, en se levant, elle reconnut avec surprise qu’un des tiroirs d'un petit meuble qui se trouve dans cette chambre avait été forcé, et qu'une somme de 900 francs en or et en billets de banque, qui s’y trouvait renfermée, avait été enlevée. Détail singulier : une liasse de titres de la ville de Paris, représentant une somme de 10,000 fr. environ, qui se trouvait dans le même tiroir, n'a pas été touchée. Dans un autre tiroir du même meuble se trouvait une parure en diamants d'une valeur de 3,000 fr., et, dans un buffet de la salle à manger, plusieurs pièces d’argenterie avaient été dédaignées par le voleur.

    VOLAGE ET VOLÉ. — M. P..,, en revenant de conduire à la gare de l’Est sa femme, qui partait pour Mâcon, où elle va faire ses couches, entra, avant-hier soir, au café du Delta. A la table voisine de la sienne se trouvaient deux jeunes f'emmes, que M. R... amena à son domicile, rue Poulet. L'une d’elles, en arrivant dans l'appartement, déclara qu’elle avait grand soif et le pria d’aller chercher quelque chose. Sans méfiance, l'époux infidèle descendit à la cave pour y prendre une bouteille de la liqueur des Jacobins. Lorsqu’il remonta chez lui, il constata la fuite des deux donzelles, en même temps que la disparition d’un sac qui se trouvait placé sur la cheminée et d’un nécessaire de voyage en cuir de Russie, à garniture d’argent. Le sac ne contenait heureusement que 190 fr. en monnaie de billon, formant un volume assez considérable et qui avait fait croire aux voleuses qu’elles enlevaient une somme importante. M. Denis, commissaire de police, crut reconnaître deux filles qui lui avaient été signalées depuis quelque temps, il se rendit dans un hôtel garni de la rue de la Nation, où il trouva les deux coquines encore au lit, et nanties des divers objets soustraits. Ces deux drôlesses ont été dirigées sur le dépôt.

    CHRONIQUE DES HEUREUX. — Aux tirages de juillet des Obligations Villes de Paris et Amiens, six clients de la Caisse générale d’Epargne et de Crédit , (116 place Lafayette, Paris), gagnent des lots variant de 200 à 10 000 francs — Cette Société a ouvert 63 00 comptes et en a liquidé 35.000. Le nombre de ses gagnants s’élève à 58. 
    En présence de pareils résultats, les agents soucieux de ne prêter leur concours qu’à une Société qui a fait ses preuves, offriront leurs services à C. LEFEBVRE , inspecteur a Charleville.


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