• 1885

     

    Mai

    ENFANTS MIS AUX ENCHÈRES. — Le Jura bernois raconte une abominable histoire. Quatre enfants ont été officiellement mis aux enchères, à cause de l’indigence de la mère et du dénuement de la famille.
    Voici les faits :
    « Un pauvre père de famille, nommé Z ..., habitant Mâche, la commune la plus cléricale de la Suisse, mais travaillant à l’usine à gaz de Bienne, est mort subitement, il y a quelques jours, à l’hôpital. Sa femme, qui était tombée gravement malade se rétablit ; mais les enfants n’avaient plus de père et vu le grand dénuement de la famille, la commune dut intervenir. Sur les cinq enfants, on en a mis quatre aux enchères. »
    La pauvre mère, dans une surexcitation indescriptible, y assistait et n'a cessé d’interrompre le crieur. — Un garçon de dix ans... A combien prendrait-on ce garçon en pension jusqu'à la fin de l’année ? Les amateurs discutent : il pourrait servir à ramasser du fumier sur les routes... Il est bien déguenillé, etc. — A combien ? — Quarante francs.. Trente-cinq,.. Trente... Vingt-huit. — Adjugé pour vingt-huit francs ! — La mère proteste : elle veut le garder pour vingt francs... Qu’on lui laisse ses enfants ! Elle ne demande rien... Demain, elle veut quitter le pays ! — On lui dit qu’elle doit se taire, qu’elle n’a pas le droit de faire des offres. Les marchés continuent ainsi pour les trois autres enfants. Toujours la mère pleure, crie, proteste. Mais bientôt les petits malheureux sont tous « placés » une fillette de huit ans pour 31 francs, une autre de six ans pour 40 francs, une troisième, à peine âgée de deux ans, pour 70 francs.

    Quadruple assassinat. — On télégraphie de Genève, 4 mai : Un tailleur, nommé Lombardi, a trouvé hier, en rentrant chez lui, ses quatre enfants égorgés. La mère des enfants, auteur de ce crime, a tenté de se suicider.

    Trop résolue. — Une nommée Emma Braegger, da Niedorutzroyl (Saint-Gall), souffrant du mal de dents, s'en est fait arracher onze.
    Le lendemain, elle se faisait poser un râtelier. Il y a eu empoisonnement du sang, tétanos et mort rapide de la victime.

    UNE MERE QUI ÉGORGE SES QUATRE ENFANTS. — Voici quelques détails nouveaux sur le drame épouvantable qui vient de se passer à Genève et que nous avons annoncé sommairement dans nos Petites Nouvelles : Vers midi et demi, la brigade de sûreté du Martheray rencontra Lombardi, qui lui raconta qu’il avait trouvé sa femme morte dans son lit, ainsi que ses quatre enfants.
    Le directeur de la police centrale, prévenu, se rendit sur les lieux, accompagné de deux médecins. A leur entrée, un spectacle horrible s’offrit à leurs regards. Les quatre enfants étaient déshabillés ainsi que leur mère, le plancher était taché de sang. Les enfants avaient tous la même blessure au cou ; détail étrange : les deux cadets avaient sur la poitrine un bouquet de lilas blanc, et l'aîné avait près de lui son cahier dit du nouvel an.
    La femme Lombardi put être rappelée à la vie.
    Elle a avoué qu’elle était l’auteur du meurtre de ses quatre enfants, et qu’elle avait pris cette résolution sous l’empire de vives contrariétés domestiques et dans la pensée que ses enfants seraient plus heureux au ciel.
    Avec un vieux rasoir, dans l’obscurité, elle accomplit sa terrible besogne, égorgeant successivement les pauvres petits êtres.
    Le crime accompli, elle sortit pour mettre à la poste une lettre adressée à une voisine où elle faisait le récit de ce qu’elle venait de faire. Puis, à son retour, elle absorba le contenu d’une fiole d'atropine portant l'étiquette « poison », se coucha et perdit aussitôt connaissance.
    Elle est maintenant hors de danger.
    Un des enfants, qu'on avait également rappelé à la vie, et qu’on espérait sauver, succombera très probablement à sa blessure. Inutile d’ajouter que les bruits les plus contradictoires n’ont pas cessé de circuler toute la journée, et que l’émotion causée par ce terrible événement n’a fait qu’augmenter d’heure en d’heure.

    ANARCHISTE PENDU. — Berne, 16 mai. Le badois Huft, reconnu et arrêté comme auteur de la lettre dans laquelle il annonçait son dessein de faire sauter le palais fédéral au moyen de la dynamite, a été trouvé pendu dans sa cellule, une heure après son premier interrogatoire.

    L’état de siège en Russie. — On écrit de Saint-Pétersbourg, le 15 mai, que le czar insiste pour qu’on lève toutes les mesures exceptionnelles prises en 1880 à l’égard des nihilistes, soit l’état de siège, les cours martiales, exécutions sommaires et déportations administratives. Le sénateur Durnowo, qui remplace le comte Tolstoï, s’est opposé à la suppression des mesures exceptionnelles, il prétend être informé d’une nouvelle entrée en campagne des nihilistes, qui s’agitent à Genève, Londres et Paris.

    Vignes gelées. — On écrit de Genève que la plupart des vignobles du canton ont été gravement endommagés par la dernière gelée. En beaucoup d’endroits, les trois quart de la récolte sont compromis ; ailleurs, la récolte tout entière est anéantie. Un propriétaire d’Onex ayant placé des souches, sa vigne n'a pas été atteinte par la gelée.

     

    Juillet

    Concours national de Vincennes. — Le journal Le Tireur nous apprend que le gouvernement fédéral suisse a voté une somme de 60,000 francs en faveur du concours national de Vincennes.— Au nom des tireurs ardennais et au nom de la France, merci à nos amis les Suisses.

    Eboulement. — Une dépêche de Lucerne annonce qu’un éboulement s’est produit avant-hier, dans une carrière, près du fameux Lion de Lucerne. Trois ouvriers ont été tués. Les cadavres n’ont pu être retirés que dans la soirée.

    La Fête du tir fédéral. — Hier dimanche a eu lieu, à Berne, une belle manifestation française. Le Corps diplomatique, au grand complet, a suivi le président de la Confédération au Tir fédéral.
    Dans la cantine, M. Schenk, président, est accueilli par de longs applaudissements. Il porte le toast traditionnel à la Patrie et prononce un remarquable discours dans lequel il se félicite que la Suisse, un petit pays, ait pris une place à part au milieu des puissants empires qui l’entourent.
    « Les puissances étrangères respectent notre indépendance ; elles sont toujours prêtes à protéger nos nationaux, partout où ne flotte pas le drapeau fédéral ».
    Passant au domaine économique, le président exprime le regret de voir nos puissants voisins revenir aux tarifs protecteurs, qui pourraient presque nous faire douter de leur sympathie.
    Il flagelle ensuite les théories anarchistes, disant que leurs leçons ne seront pas entendues sur le sol suisse.
    «Que viendraient faire les anarchistes dans un pays qui sait mettre sa Constitution en harmonie avec les besoins du moment? Les anarchistes étrangers qui espèrent continuer leur œuvre de destruction en se couvrant du nom et de la protection de notre Patrie, apprendront que le peuple suisse et ses autorités ne sont point disposées à leur garantir le droit d’asile. Jamais la Suisse n’acceptera le drapeau rouge ».
    Le président porte un toast à l’avenir.
    Sur les instances de tous les diplomates présents, leur doyen, M. Emmanuel Arago, ambassadeur de France se lève. Des applaudissements frénétiques le saluent.
    M. Arago est profondément ému de l’éloquent discours du président de la Confédération et de l'accueil que lui ont fait les diplomates.
    « Nous acclamons tous la Patrie, puisque de funestes nomades osent préconiser la fin des nations, puisque vos magistrats ont dû sauvegarder contre leurs entreprises votre force morale dont l ’Europe a besoin. »
    Dans un magnifique langage, il fait l’éloge de la Suisse et donne un souvenir à Hugo qui lui avait promis de venir au tir. Il termine, au nom du corps diplomatique, en buvant à la Suisse et au Conseil fédéral de la ville de Berne.
    Un tonnerre d’applaudissements a salué les paroles de votre ambassadeur. Tout le monde se lève; toutes les musiques jouent la Marseillaise; la foule émue crie : Vive la France !
    M. Arago, debout, dit sans phrases, la main sur le cœur : « La France vous remercie par ma voix. »
    Dans son discours, M. Gobat, conseiller d’Etat, dit que la France a proclame la liberté en 1789. La Révolution a crée les peuples en lançant dans le monde l’évangile de l’humanité et de la fraternité.
    « C’est pour cela, dit-il, que nous vous aimons, car la Suisse ne vise pas à l’empire de Charlemagne (bravos), mais à l’empire universel de la Fraternité.
    »Drapeau tricolore, noble bannière qui as promené à travers les peuples asservis, portant la liberté dans tes plis, tu as été couchée sur les champs sanglants de l’Alsace-Lorraine ; mais tu t’es relevée ; tu as conduit la France à la République. Désormais, tu seras mon amour, tu ne seras plus l’étendard d’un prince ou d’une dynastie, tu garderas la République qui doit faire le bonheur du peuple français. 
    » Noble bannière, prends place avec honneur à côté de notre drapeau suisse. Poussons de triples hourras à la France ! »
    Cette imposante manifestation est d’autant plus importante qu’elle a eue lieu dans une ville où domine l’élément allemand.

     

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